Die Unsichtbare Sammlung [FR]

(A bord d'un train, un antiquaire raconte à l'auteur une expérience étonnante.) Dans l'après guerre, les riches et les affairistes ont pris un goût frénétique des choses anciennes et, comme un de ces forcenés de l'art avait presque vidé sa boutique, un antiquaire décida de racheter des pièces à de vieux clients.

Dans le registre des ventes, il retrouva le courrier d'un collectionneur d'estampes qui avait acquis un grand nombre de très belles œuvres jusqu'en 1914 puis ne s'était plus manifesté. Il se rendit en Saxe afin de s'informer de la collection.

Le vieil homme était toujours vivant mais il était aveugle; très flatté qu'on vint de la ville pour lui et que l'on vanta cette collection qu'il avait constituée au prix de grandes privations, il proposa au visiteur de la lui montrer.

Mais celui-ci saisit le regard effrayé et les signes de dénégation de l'épouse qui conseilla de remettre la présentation à l'après midi, ce qui fut décidé.
La fille du couple vint chercher l'antiquaire à son hôtel et lui expliqua que son père avait perdu la vue peu de temps après le début de la guerre. A la fin du conflit, la famille était devenue très pauvre et les femmes s'étaient résolues à vendre quelques estampes. Mais l'inflation galopait et la somme importante promise par les acheteurs n'était plus rien lorsqu'elle était versée. Il avait fallu vendre encore et encore. Les trésors de la collection avaient ainsi disparu sans que leur propriétaire n'en sache rien.

Avec passion le vieil homme montra à l'antiquaire des chefs d'œuvre qui n'étaient que feuilles blanches. Répondant à la supplication des femmes, le visiteur avait joué le jeu, allant même jusqu'à décrire les images absentes. Il avait honte de son mensonge mais était en même temps transporté de sentir "vibrer un enthousiasme pur, une sorte d'extase illuminée par un esprit entièrement voué à l'art." Au moins les collectionneurs étaient-ils des gens heureux.